Natura 2000 : des enjeux de connaissance toujours présents

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Julien Touroult

Directeur adjoint de l’UMS PatriNat
(Unité mixte de service AFB, CNRS, MNHN)

En une décennie, Natura 2000 est devenu un sujet ou un support de travaux de recherche. Actuellement, on dénombre près de 7 000 articles scientifiques par an, sur des sujets variés allant de l’étude d’une espèce ou d’un habitat dans un site, à l’efficacité de ce vaste réseau à l’échelle de l’Europe. Dans ces articles, Natura 2000 est considéré comme une « aire protégée », position cohérente et englobante adoptée aussi en France dans le cadre des rapportages pour la convention sur la diversité biologique. Le réseau Natura 2000 constitue en outre une pièce majeure du réseau d’aires protégées français, à l’heure où celui-ci est sur le point de se doter d’une nouvelle stratégie nationale.


Cependant, l’efficacité des mesures de gestion ou de restauration réalisées dans les sites reste insuffisamment étudiée. Le suivi de l’effet de chaque mesure dans chaque site n’est ni possible, ni réalisable, mais les suivis scientifiques restent souvent peu conclusifs, faute d’hypothèses a priori et d’un dimensionnement adéquat. Pour pallier ce constat, l’Agence française pour la biodiversité a lancé en 2019 un appel à manifestation d’intérêt permettant d’accompagner scientifiquement les gestionnaires pendant 5 ans dans le suivi de leur mesure de gestion. Au-delà de cet appel, il est nécessaire de capitaliser les retours d’expériences (positifs, négatifs ou non conclusifs) sur l’effet de la gestion, notamment à travers les actions du Centre de ressources Natura 2000. Les gestionnaires et leurs partenaires scientifiques doivent aussi publier des rapports ou articles accessibles ; la revue Naturae offre pour ce faire une opportunité à saisir.


Dans l’actualité, la France a remis dans les délais son troisième rapportage européen au titre de la directive Habitats (et le second pour la directive Oiseaux). Ces évaluations à large échelle (toutes les annexes des directives, sur toute la France) se déroulent tous les 6 ans et apportent une image consolidée de l’état des espèces et habitats. Il n’y a pas de changement majeur par rapport au précédent exercice. Il ne faut certainement pas y voir un échec du réseau. Dans une tendance de fond à la dégradation de la biodiversité, plusieurs études montrent que le réseau abrite des populations importantes d’espèces communes et que la dégradation y est moins forte ou retardée par rapport au reste du territoire non protégé. Le développement à long terme d’un programme de surveillance de la biodiversité terrestre devrait permettre de consolider les suivis et les résultats et, pourquoi pas, de documenter un jour le frémissement d’une « reconquête » de la biodiversité. Pour le domaine marin, la rédaction des programmes de surveillance de la Directive-cadre stratégie pour le milieu marin qui est en cours intègre Natura 2000 pour la partie « suivi des habitats ».

Si l’enjeu majeur de Natura 2000 réside évidemment dans la gestion équilibrée et durable des espaces et espèces avec les acteurs du territoire, les suivis scientifiques - à différentes échelles pour répondre à différentes questions - demeurent un investissement incontournable pour les politiques de conservation actuelles et futures.